Dark kitchen : décryptage du nouveau phénomène food

Supli - le phénomène Dark Kitchen

Avec juste une cuisine et un service de livraison, une dark kitchen est plus facile et plus économique à mettre en place qu’un restaurant traditionnel. Par ailleurs, cette nouvelle branche de la restauration, boostée par le premier confinement de mars 2020, apparaît comme une solution salvatrice pour les restaurateurs en attendant la réouverture de leurs établissements. Mais comment fonctionne exactement une dark kitchen ? Quelles sont les bonnes pratiques pour en faire une opération lucrative ? Est-ce vraiment avantageux ? Petit tour d’horizon d’un business model en plein essor.

Dark kitchen : des restaurants 2.0 et 100% livraison

Pas de salles, pas de serveurs… Les cuisines fantômes sont entièrement dédiées à la préparation de plats destinés à la distribution à domicile ou au bureau. Concept initié aux États-Unis, les dark kitchen poussent comme des champignons en France depuis trois ou quatre ans. Jusqu’ici, leur croissance était directement liée à l’émergence des plateformes de livraison et au changement des modes de consommation des jeunes urbains. Et puis, le Covid. La crise sanitaire a amplement accéléré leur développement. En raison des confinements, de nombreux restaurateurs ont dû se réinventer et ont opté pour la livraison de repas. Mais ils ne sont pas les seuls acteurs de cette restauration 2.0. En réalité, les dark kitchen regroupent

  • des restaurants traditionnels déjà installés souhaitant générer un revenu parallèle. Ils tirent profit de la livraison à domicile pour digitaliser leur offre et couvrir un plus grand territoire de livraison ;
  • des marques créées de toutes pièces et spécialement calibrées pour la commande en ligne et la livraison ;
  • des restaurants sans salles directement adossées à des agrégateurs (plateformes de livraison comme Deliveroo, UberEats…) qui mettent à disposition des cuisines professionnelles partagées en échange d’un loyer ou d’une commission plus élevée.

Mettre en place une cuisine virtuelle : trop facile ?

En faisant l’impasse sur le service en salle, les ghost kitchen s’affranchissent des contraintes d’un restaurant traditionnel. Elles ne requièrent a priori qu’une cuisine professionnelle et un service de livraison de qualité. Mais faire du volume en cuisine pour la livraison est un métier à part entière. Cela nécessite une autre gestion de l’espace, l’adaptation des recettes et d’investir dans des logiciels spécifiques.

Respecter un cadre juridique

Malgré la liberté et la flexibilité du concept, une cuisine virtuelle doit respecter un cadre juridique strict. La création d’une société est indispensable pour exploiter un restaurant fantôme : SAS ou SARL, éventuellement micro-entrepreneur dans le cas d’une personne seule, sans associé ni salarié.

Une dark kitchen est soumise à la même réglementation qu’un restaurant classique. Détenir une licence à emporter pour vendre de l’alcool et déclarer la préparation et la vente de denrées animales sont incontournables.

Bien évidemment, le respect des règles d’hygiène et de sécurité est primordial. L’exploitant a l’obligation de s’inscrire à une formation Hygiène alimentaire.

Choisir sa cuisine

Pour mettre en place une dark kitchen, plusieurs solutions :

  • utiliser sa propre cuisine si on est déjà à la tête d’un établissement. Attention alors, à revoir ses processus et l’organisation de sa brigade pour optimiser sa ligne de production ;
  • louer ou acheter un espace dédié à la préparation des aliments. L’entreprise possède alors tout l’équipement et l’espace est utilisé exclusivement pour la préparation de ses menus ;
  • louer une cuisine partagée et son équipement. Ici, plusieurs ghost kitchen sont rassemblées dans un même local, aussi appelé « hub logistique ».

Créer des recettes « transport-friendly »

Sans surprise, les menus à base de burgers, pizza, sushis et bobuns constituent 80% de l’offre des dark kitchen. Parce qu’ils sont rapides à préparer, supportent très bien le transport et sont accessibles à moins de 20 €.

Cependant, face à la multiplication des enseignes, il est nécessaire de se démarquer. C’est l’occasion d’apporter de la diversité, avec des recettes pensées pour la livraison et qui répondent à la demande de plus en plus pressante des consommateurs d’une alimentation saine, faite maison, avec des produits de qualité issus de circuits courts. Pour rester rentable, il faudra se concentrer sur les plats élaborés à partir des mêmes ingrédients de base, afin d’optimiser les achats et limiter le gaspillage alimentaire.

Respecter un processus au carré

Pour assurer des livraisons volumiques de qualité, une équipe efficace et un équipement performant sont incontournables. Le plat doit être encore chaud au moment de la livraison. Cuisson parfaite, assemblage rapide, emballage impeccable : l’opération est exigeante et doit absolument être observée à la lettre.

Développer sa marque et augmenter sa visibilité

Condition sine qua non pour mettre en avant sa cuisine virtuelle : le branding et la maîtrise des nouvelles technologies ! Le marketing digital est un élément essentiel du succès des dark kitchen. Animations sur les réseaux sociaux, e-mailings et newsletters, travail sur le référencement local, au niveau des plateformes et des moteurs de recherche, communication visuelle de qualité avec de belles photos, expérience client via un packaging soigné, promotions… Tout est bon pour lancer et faire perdurer son offre.

Les cuisines fantômes : une recette gagnante ?

Contraintes administratives et frais de fonctionnement allégés, explosion de la demande : les dark kitchen semblent n’offrir que des avantages. Pourtant certains éléments sont à prendre en compte avant de se lancer.

Les avantages d’un modèle économique performant

  • La réduction des coûts d’exploitation. Centrées sur la livraison, les cuisines virtuelles divisent tous les coûts par rapport à un restaurant classique. La localisation est beaucoup moins contrainte. Le staff est réduit aux cuisiniers (éventuellement aux livreurs si ce service n’est pas externalisé). Pas de salle, c’est aussi une économie sur les frais généraux (mobilier, décoration, fournitures) et les assurances.
  • La rapidité de mise en place : quelques semaines contre quelques mois pour un restaurant classique.
  • La possibilité de tester de nouvelles offres avec un investissement minimum et sans désorienter sa clientèle habituelle en utilisant le concept de marque virtuelle.
  • La flexibilité pour combler une offre culinaire dans le secteur, s’adapter aux tendances ou à la demande, grâce à la présentation au format numérique uniquement.

Limites et défis

  • La dépendance aux plateformes de livraison. À moins de disposer d’une flotte en propre, toute dark kitchen doit passer par un agrégateur. Or les plateformes de livraison prélèvent une commission conséquente sur les commandes et la concurrence y est rude.
  • En outre, passer par un agrégateur ne permet pas de maîtriser l’expérience client de bout en bout.
  • Les exigences technologiques. Service exclusivement en ligne, la cuisine virtuelle implique la création d’un site Internet soigné, le choix d’un système de réservation sécurisé et efficace, l’animation régulière et professionnelle de ses réseaux sociaux.
  • D’ailleurs, pour compenser l’absence physique et de contact avec la clientèle, les restaurants fantômes doivent impérativement créer une identité de marque forte pour se différencier, attirer et recréer une expérience… impliquant pour cela un budget marketing conséquent.

Avec la crise sanitaire, les dark kitchen ont explosé. Pour sortir du lot sur ce marché en plein essor, il faut viser l’innovation et l’excellence : être rapide dans la livraison, garder le lien avec le consommateur via le digital, avoir une excellente visibilité en ligne. La performance d’une cuisine fantôme est intrinsèquement liée à son identité de marque et à sa réputation sur les plateformes. Un nouveau format qui ne plaît pas à tout le monde, comme on peut le lire dans la tribune pour une livraison éthique propulsée par un collectif de chefs et d’acteurs du monde de la gastronomie francophone.

En attendant, au cœur de la crise sanitaire, les cuisines virtuelles apparaissent comme une opportunité taillée spécifiquement pour la période et connaissent un engouement inédit tant du côté des entrepreneurs de la restauration, de la foodtech, que des clients.

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